Communication sur « Culture partiarcale et cinéphilie féminine. Réceptions genrées du cinéma dans les magazines populaire des années 1950 », dans le cadre de la journée d’études « Mainstreaming Popular Culture. Les dynamiques hégémoniques dans la culture populaire », organisée par Keivan Djavadzadeh et Pierre Raboud, Université Paris 8, 16 octobre 2014.
Télécharger le programme de la journée d’études en PDF
Résumé de la communication
Plusieurs travaux récents concernés par la question de la transmission et des réceptions de la culture cinématographique ont réaffirmé deux principes essentiels : les films sont des productions culturelles qui ne sauraient être isolées des usages sociaux qui en sont faits (Sellier 2013) ; la cinéphilie, au sens d’une expertise spectatorielle acquise par la fréquentation régulière des films, ne se réduit ni à la « cinéphilie savante » ni aux écrits des critiques professionnels masculins l’ayant institutionnalisée (Jullier et Leveratto 2010). Partant de ce double constat, cette communication se propose d’étudier la réception populaire et féminine du cinéma grand public dans les années 1950, telle que le courrier des lecteurs des magazines spécialisés de l’époque en a conservé les traces.
Destinées avant tout à un lectorat jeune et féminin, ces publications à fort tirage servent à différents égards de « guides » pour éclairer les lectrices sur leurs choix cinématographiques. Mais elles se présentent aussi comme des agents de transmission d’une culture patriarcale, dans la mesure où les discours qu’elles produisent tendent globalement à valider l’orientation masculiniste de la société française des années 1950 et de ses représentations filmiques : le cinéma d’après-guerre est dominé par des « films d’hommes », qui tendent à confiner les femmes à des emplois décoratifs, tels la « poupée » servant de « trophée du guerrier », ou négatifs, sur le mode de la « garce diabolique » martyrisant le héros masculin (Burch et Sellier 1996).
Dans cette perspective, il est primordial d’examiner les réceptions genrées des genres à succès (comédie, film policier, etc.) de l’époque, en s’intéressant au seul espace de ces périodiques donnant la parole aux consommateurs (et aux consommatrices) ordinaires du spectacle cinématographique. Quoiqu’étant un instrument de fidélisation du lectorat, le courrier des lecteurs apparaît comme un lieu de négociation des normes sexuées, à l’intérieur de laquelle les jeunes femmes aimant le cinéma ont la possibilité de forger leurs propres critères d’évaluation de la qualité cinématographique, en remettant en cause les représentations visant à naturaliser l’hégémonie masculine. En s’appuyant essentiellement sur la rubrique « Côté cœur, côté jardin » du magazine Le Film complet, on interrogera ainsi les façons dont les lectrices se positionnent vis-à-vis de deux médias « masculins » et de deux sensibilités patriarcales différentes : le cinéma populaire, et les magazines qu’elles lisent à la fois pour cultiver leur cinéphilie et « répondre » aux préceptes d’une culture dominante.